Hier soir, la soirée commençait bien : nous étions deux Français et un couple d’amis, elle Italienne, lui Allemand, dans un petit resto de Banda Aceh. On se faisait des blagues, on y mettait de l’emphase, de l’entrain, de l’humour. Je me sentais tellement guillerette, que j’étais même prête à faire la fête avec eux, s’ils devaient l’emporter. Les Italiens, c’est un peu nos cousins, hein ? C’était presque une finale en famille. Puis, nous sommes allés dans un des « bars » de la ville, une annexe du World Food Programme (une agence des UN, là, où on est tous frères/sœurs, égaux et patati et patata). En salle: une trentaine de personnes, dont au moins une dizaine d’Italiens, et 3 Français. Ah ! Ils savent mettre l’ambiance les Italiens : la plupart portent le teeshirt de la Squadra Azzurra, ça crie, ça chante, ça pleure sa mère, ça invoque tous les saints possibles, ça se touche les couilles, ça traite Zidane de retraité, etc. Je vais vous la faire bref : A un moment, quand ?, j’entends de la bouche d’un Italien, alors qu’un joueur Français noir, touche la balle « Cameroun ». Je me dis « sont bêtes, il ne vient pas du Cameroun ». Sans doute ne voulais-je pas comprendre. La phrase est répétée une deuxième fois. Mon collègue et moi on se retourne et en chœur, on lui demande si, hors Coupe du Monde, il soutient la Lazio de Rome. Il comprend le message. Mais cette phrase se répète, dans la bouche d’un autre supporteur, et puis encore d’un autre. Ils la prononcent l’air goguenard. Contents de leur petit effet. Je me retourne vers l’un d’entre eux et je lui dis : « Ils sont tous Français, c’est clair ? Tes remarques racistes, tu te les gardes ». Quand le grand Zinédine Zidane est expulsé, ils jubilent, et le même, qui se tient nonchalamment derrière son bar dit : « Rentre en Algérie ». Là, je lui demande de fermer sa gueule. Des Italiens viennent nous voir en disant qu’ils sont désolés des propos de leurs compatriotes. Ma copine Marie, me suggère par sms de crier « Vive le Cameroun libre ! ». Mais, eux, sont un cran au-dessus, je perds la notion du temps, était-ce avant les prolongations ? Avants les tirs au but ? Des ragazzi font le salut fasciste. Je vais dehors prendre l’air. Ca pue. Un Britannique vient me voir en me disant : « Mais ils ont pas voulu faire ça. Ils ont pas voulu dire ça. Ils ne faut pas le prendre comme ça gnagnagnagna ». Ah bon ? Faut le prendre comment ? Il la met où lui la limite à ne pas dépasser ? Il y aurait des degrés dans le racisme ? Un niveau acceptable et un autre qui le serait moins ? Sa dialectique oiseuse m’emmerde et je le lui dis. L’ambiance est délétère. Ils se lâchent complètement au comptoir, il y a des « Mussolini » qui fusent. Des copains italiens sont atterrés. Je les rassure, je les félicite. Je dis merci les Bleus de nous avoir fait rêver encore un peu. Certes, la Squadra Azzurra a gagné. Bravo les gars. 4 étoiles. J’ai toujours aimé l’Italie. Les Italiens. Mais, dans l’alchimie un peu naïve de la romance, il y a toujours, quand on s’y attend le moins, l’intrusion implacable du réel. Du sordide. Ce matin, j’ai encore la nausée. |